COVID 19 : Annulation par le Conseil d’État des dispositions relatives à la réduction des délais de consultation du CSE et des délais d’expertise
1er élément : énonciation du principe
Dans une décision du 19 mai 2021 (CE, 19 mai 2021, n° 441031) le Conseil d’Etat a annulé l’article 9 de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 (dans sa version issue de l’ordonnance n° 2020-507 du 2 mai 2020) ainsi que le décret [d’application]n° 2020-508 du 2 mai 2020 qui aménageaient de manière temporaire les délais de consultation du CSE et les délais d’expertise.
2ème élément : les faits
Sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 dite « d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 » [loi d’habilitation], le Gouvernement avait adopté plusieurs textes dont notamment les textes visés ci-dessus.
De manière concrète, les textes susvisés prévoyaient, pour la période allant du 3 mai au 23 août 2020, la réduction des délais :
- d’envoi de l’ordre du jour aux membres du CSE (ex : communication de l’ordre du jour dans un délai de 2 jours (au lieu de 3) avant la réunion)
- de consultation du CSE (ex : le CSE était réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l’expiration d’un délai de 8 jours (au lieu d’un mois), hors cas d’expertise)
- Pour la réalisation des expertises (ex : délai de 24 heures (au lieu de 3 jours) laissé à l’expert pour demander à l’employeur toutes les informations complémentaires qu’il juge nécessaire).
Attention : Ces mesures d’urgence concernaient les informations-consultations portant sur les décisions de l’employeur ayant pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de l’épidémie de Covid-19, à l’exclusion :
- du licenciement économique de dix salariés ou plus dans une même période de 30 jours,
- des accords de performance collective,
- des consultations récurrentes de l’article L.2312-17 du Code du travail.
3ème élément : l’arrêt du Conseil d’État
Plusieurs organisations syndicales ont saisi, sur le fond, le Conseil d’Etat afin d’obtenir l’annulation des dispositions querellées.
Par un arrêt du 19 mai 2021, la Haute juridiction a jugé que ces textes étaient entachés d’illégalité dans la mesure où ils débordent du cadre fixé par la loi d’habilitation.
En effet, elle relève que :
- la loi du 23 mars 2020, prise en son article 11, « permettait de prendre des mesures ayant pour objet […] d’organiser la consultation des instances représentatives du personnel par voie dématérialisée » et « d’instaurer un moratoire sur les délais […] et ainsi en reporter le terme».
- Elle « n’habilitait [cependant pas], le Gouvernement à réduire les délais d’information et de consultation des comités sociaux et économiques, ni les délais applicables au déroulement des expertises décidées dans le cadre de ces procédures par les comités » (CE, 19 mai 2021, n°441031).
Le Conseil d’État a, ainsi, prononcé l’annulation de :
- L’article 9 de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020,
- Le décret du 2 mai 2020,
avec effet rétroactif. Ces textes sont, ainsi, réputés n’avoir jamais existé.
4ème élément : analyse de la décision
Cette décision peut susciter des actions indemnitaires en vue d’obtenir réparation du fait de procédures d’information-consultation rétroactivement considérées comme irrégulières ou nulles.
Toutefois, en pratique, les effets de cette annulation devraient rester limités car :
- Les dispositions litigieuses n’ont été applicables que 4 mois.
- Le contentieux pénal du délit d’entrave (qui suppose la démonstration d’un élément intentionnel) doit être écarté dès lors que les employeurs ont appliqué de bonne foi les dispositions annulées.
Quant au contentieux civil, les actions en réparation des irrégularités en matière de consultation supposeront nécessairement la démonstration d’un préjudice.