Les élections du Comité Social et Économique et l’électorat
Le 16 septembre 2021, la Cour de cassation a saisi le Conseil constitutionnel d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) portant sur la qualité d’électeurs lors des élections des membres du Comité Social et Economique (CSE), et plus précisément, sur la conformité de l’article L2314-18 (*) du Code du travail à la Constitution française.
(*) L’article L2314-18 du Code du travail précise les conditions devant être remplies pour faire partie de l’électorat aux élections professionnelles.
Ces conditions sont les suivantes :
- Être salarié de l’entreprise
- Être âgé de 16 ans révolus
- Travailler depuis 3 mois au moins dans l’entreprise
- N’avoir fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative aux droits civiques.
L’affaire portée devant la Cour de Cassation ayant conduit à cette QPC est la suivante : lors d’élections professionnelles au sein de Carrefour Supermarché, les directeurs de magasin avaient été radiés des listes électorales dans certains établissement de l’enseigne.
Un syndicat avait alors formé un recours afin de contester cette radiation.
La Cour de cassation a jugé que ces directeurs de magasin ne pouvaient ni voter ni être candidats aux élections du CSE dès lors qu’ils représentent l’employeur devant les représentants du personnel et les salariés en exerçant des attributions en matière d’embauche, de discipline et de licenciement (Cass. Soc., 31 mars 2021, n° 19-25233).
La question de l’intégration dans l’électorat des salariés représentant l’employeur a donc fait l’objet d’une QPC.
L’état de la jurisprudence actuelle
La jurisprudence interprète de manière constante depuis des années les dispositions de l’article L2314-18 du Code du travail en précisant que ne sont ni électeurs ni éligibles les salariés :
- qui disposent d’une délégation écrite d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise ( Soc., 6 mars 2001, n°99-60553 et Cass. soc., 29 juin 2005, n° 04-60.093)
- ou qui représentent effectivement l’employeur devant les représentants du personnel ( Soc. 12 juillet 2006, n°05-60300)
- ou qui représentent l’employeur directement auprès des salariés et qui exercent un pouvoir de direction ( Soc., 21 novembre 1989, n°88-60729).
Ainsi, les salariés assimilés à l’employeur sont, par conséquent, exclus de tout le processus électoral au sein de l’entreprise.
Le revirement amorcé par le Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel a jugé qu’une telle exclusion n’est pas conforme à la Constitution. En effet, elle porte une atteinte disproportionnée au principe constitutionnel de participation des travailleurs à savoir que tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses représentants, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises.
Cette décision ne remet toutefois pas en cause le fait que les salariés assimilés à l’employeur ne peuvent pas être élus. Ainsi, un cadre représentant l’employeur auprès des membres du CSE et des salariés ne pourra pas se présenter sur une liste aux élections du CSE. Cependant, il pourra faire partie de l’électorat et pourra donc voter lors des élections professionnelles.
Quelles conséquences pour l’avenir ?
En principe, la déclaration d’inconstitutionnalité entraîne l’abrogation immédiate de la disposition critiquée, dès la publication de la décision du Conseil Constitutionnel.
Or, le Conseil peut décider de retarder les effets de sa décision dans le temps.
Ainsi, en l’espèce, les juges ont estimé qu’une abrogation immédiate de l’article L.2314-18 du Code du travail aurait un effet néfaste, puisqu’elle aurait pour effet de supprimer toute condition pour être électeur aux élections du CSE.
L’abrogation de cette disposition s’appliquera au 31 octobre 2022, laissant ainsi un délai au législateur afin de réécrire l’article critiqué et ainsi mettre fin à l’exclusion de l’électorat des cadres représentant l’employeur.
Le Conseil constitutionnel a également précisé que sa décision ne remettait pas en cause les élections passées, sécurisant ainsi les CSE mis en place avant le 19 novembre 2021 (date de la décision du Conseil Constitutionnel).
De même, les élections ayant lieu jusqu’au 31 octobre 2022 pourront être organisées sous l’empire de l’ancienne jurisprudence puisque la rédaction actuelle de l’article L.2314-18 du Code du travail sera toujours applicable, jusqu’à cette date butoir fixée par le Conseil constitutionnel.
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